mercredi 31 octobre 2012

PINK FLOYD - Wish You Were Here





PINK FLOYD - WISH YOU WERE HERE (1975)
Harvest ‎- SHVL 814 - (UK)



Un jour de juin 1975, les quatre membres de Pink Floyd travaillaient sur leur nouvel album dans le fameux studio n°3 d’Abbey Road, à Londres. Le groupe était alors en train de terminer l’éprouvant processus de mixage de la chanson-phare de leur nouvel album, "Shine On You Crazy Diamond", mais s’apprêtait également à fêter le mariage de David Gilmour. C’est alors qu’un homme replet, au crâne et aux sourcils rasés, étreignant un sac plastique, apparut dans la salle de mixage. Gilmour ne prêta guère d’attention à ce personnage, pensant qu’il s’agissait d’un technicien anonyme des studios EMI. Roger Waters le croisa également sans réaction. Rick Wright crut qu’il s’agissait d’un ami du bassiste, et s’approcha pour lui parler. Un sentiment désagréable s’empara du pianiste : ce regard, cette voix, ce visage ne lui étaient pas inconnus. Wright comprit enfin qui était cette figure surgie du passé : il s’agissait de Syd Barrett, un Barrett vieilli, grossi, qui n’avait plus rien du dandy des années 60. Tous furent abasourdis par la réapparition soudaine de l’ancien chantre du psychédélisme londonien, et encore plus par sa transformation. Nul ne comprit ce qu’il venait faire là. Il se déclara disponible pour revenir au sein du groupe, entre autres propos incohérents. L’écoute du mixage ne lui arracha pas la moindre réaction, et l’homme disparut aussi brusquement qu’il était apparu. Ce fut la dernière fois que les membres de Pink Floyd revirent celui qui avait fondé leur groupe, près de dix ans auparavant. 

Cet incident inattendu vint conclure deux années de tourmente populaire et médiatique autour du quatuor. Dark Side of the Moon avait été le plus grand succès de l’année 1973, au grand dam de ses auteurs, qui ne s’attendaient certes pas à une telle réussite. L’ensemble de la concurrence, qui s’abîmait déjà dans la surenchère, ne put rivaliser avec la beauté tragique de ce disque. Brain Salad SurgeryA Passion Play et Tales From Topographic Oceans, boursouflés, hermétiques et arrogants, donnèrent un coup fatal au rock progressif, dont le déclin devint de plus en plus rapide. Pink Floyd, par son chef-d’œuvre, s’extirpe de toute comparaison avec les leaders du rock progressif et pénètre ainsi dans le cercle restreints des phénomènes de société. La tournée mondiale qui précède et suit la publication de l’album confirme le nouveau statut du quatuor. Le répertoire, déjà très fourni, est complété par de nouvelles chansons écrites par un Roger Waters très inspiré : "Raving and Drooling", "You Gotta Be Crazy" et "Shine On You Crazy Diamond". Les deux premières finiront sur Animals, sous les titres respectifs de "Sheep" et "Dogs". La troisième constituera le cœur du nouvel album de Pink Floyd, dont l’enregistrement commence au début de l’année 1975, pour se poursuivre jusqu’au milieu de l’été. 

L’excellente entente qui avait présidé à la naissance de Dark Side of the Moon est déjà de l’histoire ancienne. Épuisés, les quatre musiciens progressent avec difficulté. Gilmour et Wright commencent à se heurter à l’autoritarisme naissant de Waters, une tendance qui ne fera que s’affirmer dans l’avenir. Les belles années sont déjà loin, ce qui est reflété dans les chansons. Les thèmes se recentrent sur le groupe, sans pour autant perdre en profondeur par rapport à ceux du disque précédent, l’aventure humaine de Pink Floyd recelant de nombreux éléments propres à toucher tout être humain. Cruauté, abandon, narcissisme, oubli, amour et haine, argent et ascétisme. La musique, elle, se veut plus libre, synthétisant les longues épopées d’Atom Heart Mother et de Meddle aux démonstrations tragicomiques plus resserrées de Dark Side of the Moon. L’alliage de ces deux tendances, qui pourrait paraître comme hasardeux, est une réussite éclatante. Il n’y à qu’à écouter l’introduction du disque pour le comprendre : jamais le groupe n’a été aussi poignant, et l’on ne peut qu’être saisi devant une telle expressivité, une telle émotion, une telle beauté. Les soli de David Gilmour, précis et lumineux, ponctuent de longues progressions harmoniques, majestueuses sans être pompeuses, tissant des paysages musicaux superbes. Pas de virtuosité ni de mollesse ici : juste un équilibre délicat, qui n’appartient qu’aux grands. 

Plus discret, moins flamboyant que son prédécesseur, Wish You Were Here pourrait bien être le pinacle de la carrière de Pink Floyd. Homogène et contrasté, planant et incisif, il parvient à joindre des tendances contradictoires, à l’écart de toute la concurrence de l’époque. Quelques passages pompiers ne parviennent pas à entacher l’ensemble, tant celui-ci est inspiré. Le disque vaut aussi, et surtout, parce qu’il contient la meilleure chanson jamais écrite par le quatuor, et par-là même l’un des meilleurs titres de la musique pop : le morceau-titre. Si Pink Floyd excelle dans les longues suites cosmiques, il n’a jamais été aussi brillant que sur ce petit morceau de folk acoustique, aux paroles saisissantes de douleur coupable. Le dernier couplet reste comme l’un des rares passages véritablement bouleversants jamais produits par un orchestre de musique populaire. La perfection n’existe pas, mais "Wish You Were Here" peut en octroyer un aperçu. Elle montre à la postérité que le talent de Pink Floyd ne s’arrête pas au space rock, aussi brillant que soit ce dernier. L’album résonne comme l’incarnation d’un instant passager, proche de l’oubli, comme l’extrapolation d’une époque, d’un équilibre depuis longtemps rompu. Jamais le groupe ne parvint à retrouver une telle éloquence verbale, une telle maîtrise musicale, même sur de remarquables albums comme Animals ou The Wall. Qu’importe : il faut rendre hommage à Pink Floyd pour avoir publié ne serait-ce que la chanson-titre. Or, bien sûr, la contribution du quartette à la musique populaire a été bien plus vaste que cela… (Ulissangus - Destination Rock).



PLAYLIST :


A1Shine On You Crazy Diamond (Part 1-5)
A2Welcome To The Machine
B1Have A Cigar
B2Wish You Were Here
B3Shine On You Crazy Diamond (Part 6-9)







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