mardi 11 décembre 2012

Noir Désir - Tostaky




NOIR DESIR - TOSTAKY (1992)


Depuis leur premier album et leur premier succès, les membres de Noir Désir ne s'accordent pas vraiment de vacances. Après des tournées monstrueuses aux quatre coins de la France et de l'Europe, ces messieurs nous livrent déjà leur troisième album : un rouleau compresseur, un enfonceur de portes, un drapeau levé bien haut, une pierre jetée dans le lac trop gentil et paisible du rock français.

Travaillant assidûment avec Tid Niceley, la musique de Noir Désir sent ici la transpiration plus que jamais, la voix de Bertrand est beaucoup plus dure et grave (dans les deux sens du terme), la musique est beaucoup plus nerveuse, expéditive, comme le prouve le riff mémorable de "Tostaky (le continent)". Les mains de Serge, déjà très habiles sur les albums précédents, commencent ici à faire des miracles et à donner à ses guitares une place de choix dans les compositions. Les décibels pleuvent du premier au dernier titre, même dans les morceaux les plus calmes comme "Oublié", "Marlène" ou "Lolita nie en bloc".

Du blues au folk en passant par un rock sauvage et puissant, le paysage de cet album est très influencé par la musique outre-Atlantique, électrique ou acoustique, noire ou blanche. Tout comme les textes de Bertrand qui alternent entre français, anglais et espagnol.

Poésie qui s'affine de plus en plus, la plume rimbaldienne des premiers albums laisse place à une écriture plus discordante ("One Trip / One Noise"), plus spontanée ("Lolita nie en bloc"), donnant à Tostaky l'allure d'un petit recueil fonctionnant seul et totalement cohérent.

N'hésitant pas à inviter des personnages séduisants ou effrayants dans ses textes (l'allégorie sexuelle "Alice", la ballade militaire "Marlène", la reprise de "Johnny Colère", morceaux d'un groupe français au doux nom de 'Les Nus'), Bertrand dresse un portrait sombre et narquois d'une Amérique étrange et rêveuse, image qu'il s'amuse à reporter sur la France.

L'écoute de cet album laisse l'agréable impression d'avoir vécu quelque chose. A la manière d'une bande originale de film, Tostaky fait voyager, invite à l'imagination, aux images, la musique est colorée, la voix de Bertrand est rassurante. Spectateur mais aussi acteur, il est laissé à l'auditeur une liberté d'interprétation inégalable, faut-il danser ou pleurer sur "Tostaky (le continent)" en criant à tue-tête ces deux vers mythiques "Soyons désinvoltes/N'ayons l'air de rien"? Faut-il aimer ou avoir peur de "Marlène"? Faut-il voir "Ici Paris" comme un message d'espoir ou comme une dénonciation? [...]

Un album qui fait bouillonner le corps et la tête, Tostaky donne une nouvelle identité au groupe, il lui confère un avenir non seulement musical mais aussi socio-culturel, invitant les curieux à regarder de plus près ce qui est pointé du doigt (sexe, racisme, totalitarisme...) en lançant, ici et là, des messages de rassemblement.

Album surprenant, unique, époustouflant ; Tostaky réussi, en douze morceaux, à faire mariner entre elles des musiques venues d'ici et d'ailleurs, faisant de ce tout un système extrêmement cohérent, que l'on aime à se représenter comme hymne international.


TRACKLIST :

A1Here It Comes Slowly3:03
A2Ici Paris3:37
A3Oublié4:33
A4Alice3:55
A5One Trip / One Noise4:12
A6Tostaky (Le Continent)5:29
B1Marlène3:03
B2Johnny Colère2:17
B37 Minutes6:00
B4Sober Song2:51
B5It Spurs3:53
B6Lolita Nie En Bloc3:30










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire