vendredi 14 décembre 2012

Pink Floyd - The Piper At The Gates Of Dawn



PINK FLOYD - THE PIPER AT THE GATES OF DAWN (1967)


Pink Floyd avait commencé, comme tout un chacun à l’époque, comme un quelconque groupe de reprises rythm’n blues. Il faudra attendre l’arrivée du génie fantasque Syd Barrett pour donner sa couleur à Pink Floyd. Véritable docteur Folamour de la musique, Barrett confèrera au groupe le statut de plus génial représentant de l’acid-rock avant que, miné par les excès, il ne cède sa place à Roger Waters qui transformera le groupe en monument de rock progressif.

L’époque était à la musique psychédélique, émule gorgée d’orgue et de concepts détraqués de la musique en vogue quelques années plus tôt. Les musiciens, avec des fortunes diverses, cherchent à coucher sur une partition leurs expéditions « au-delà des portes de la perception ». Barrett ne cherche pas. Il trouve. Il a la clé du pays des rêves sous acide et s’y sent comme chez lui. Entre la réalité et la sphère astrale, Barrett ne voit -heureusement pour le rock, malheureusement pour lui- aucune frontière. Maître incontesté en riffs étranges et subliminaux, en sonorités troublantes et perverses, en percussion obsédantes, cet album est sa chose, sa création, le reflet de son âme perturbée. Le titre The Piper at the gates of dawn, nom tiré d’un poème de William Blake, autre marginal notoire, ne le symbolise-t-il pas à sa façon (Lire : le joueur de fifre/fumeur aux portes de l’aube/folie) ?

Lucifer sam est un délire sous acide, au riff vicieux qui semble tiré d’un quelconque film exotique de série B des années 60. Insaisissable par ses vagues relents de positivisme hippie terni par de l’orgue hystérique et un chant oscillant aux limites de la folie, il s’agit d’une des meilleures pistes de l’album, et pourtant également d’une des plus « classiques ». The gnome ou The scarecrow, sous leurs airs d’inoffensifs Nursey rhymes sont merveilleusement saturées de folie. De l’autre côté de l’Atlantique, Frank Zappa et ses Mothers of Invention sabotent et dénaturent les concepts établis avec la même folie contagieuse et la même réussite.

Que dire des expérimentations soniques comme Pow R. Toc H. ou l’inexprimable (parce qu’inexplicable) Interstellar overdrive, qui semble totalement conçu, sur la durée comme dans ses variations, pour accompagner la consommation de marijuana ? Ce dernier titre, avec la piste d’ouverture Astronomy domine et ses claviers dissonants allant decrescendo, annonce les délires extraterrestres planants d’un Hawkwind ou même la future orientation de Pink Floyd. Bike, à nouveau, est si merveilleusement horripilant qu’on sombre presque dans le désespoir à l’idée qu’il s’agit de la dernière plage du chef d’œuvre. Comment peut-on élaborer des symphonies décadentes et ravagées aussi insupportables, et faire en sorte que tout le monde en redemande ? L’œuvre d’un génie, assurément. Ou d’un fou. Ou les deux à la fois.

Que serait devenu Pink Floyd si ce visionnaire génial était resté aux commandes ? Une question qu’il vaut peut- être mieux ne pas se poser, et qui n’a de toute façon pas lieu d’être. Déjà miné par sa consommation compulsive de LSD, Barrett vit très mal sa nouvelle célébrité. Son accoutumance prend des proportions pharaoniques et il dérive de plus en plus loin du monde réel. Sa déchéance sera telle que les autres membres du groupe finiront par s’en séparer, passant les rênes de la création à Roger Waters, qui orientera le Floyd vers le destin qu’on lui connaît.

Malgré la pompe et la mégalomanie dont il s’est paré par la suite, le groupe n’a jamais su retrouver le degré de folie et l’imagination débordante de ce premier album. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je suis profondément admiratif devant les albums des années 70, mais leur inventivité est souvent noyée sous un torrent de grandiloquence et il est difficile de dire si les expérimentations sont à la source de l’ambition du groupe, ou à son service... Ici, tout concourt, à première vue, à faire de The Piper at the gates of dawn un simple album de rock allumé des années 60. Tout ? Non, un électron libre échappe à tout contrôle : Syd Barrett, qui parvient, en toute simplicité, à faire cohabiter naïveté hippie, traumatismes oniriques et expérimentation spatiales, et à transformer de simples morceaux de quelques minutes en chefs d’œuvres de démence. Sans se dissimuler derrière une façade monumentale ou ambitieuse, ce Piper at the gates of dawn, modeste en apparence, fait partie des albums les plus fantastiques, les plus originaux et les plus désaxés de toute l’histoire de la musique. Un must-have, le plus formidable album d’acid-rock jamais conçu, un des tous meilleurs albums de Pink Floyd (même s’il est le seul à jouer dans sa catégorie), et un des plus grands disques des années 60, tout simplement ! De quoi idéalement accompagner n’importe quelle soirée apocalyptique entre amis portés sur les mondes parallèles.


TRACKLIST :

A1Astronomy Domine
A2Lucifer Sam
A3Matilda Mother
A4Flaming
A5Pow R. Toc H.
A6Take Up Thy Stethoscope And Walk
B1Interstellar Overdrive
B2The Gnome
B3Chapter 24
B4The Scarecrow
B5Bike






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