lundi 20 janvier 2014

Duran Duran - Notorious



DURAN DURAN - NOTORIOUS (1986)
EMI - 240659 1 - (France)



J’ai du mal à accepter les réticences de certains chroniqueurs envers Roxy Music (que je suis sûr que Bodart finira par adorer), je n’ai aucune difficulté à comprendre le rejet presque épidermique que suscite la seule évocation de Duran Duran chez... presque tout le monde, en fait. Et pour cause : ce sentiment, je l’ai moi-même éprouvé, et ce pendant très longtemps. Pour tout vous dire, du temps où le célèbre Albin Wagener faisait partie de la Rédaction, j’étais parfois irrité par son désir de mettre en avant, souvent de manière très élogieuse, des groupes comme Simple Minds et Duran Duran. Comme toutes les personnes de « bon goût », je me disais que ces formations pop des années 80 étaient globalement inintéressantes et marquées depuis bien trop longtemps du sceau infamant de la ringardise.

A titre personnel, je partageais en fait l’avis de Laurent Bianchi qui, dans sa chronique de Duran Duran, expliquait que « Un groupe qui joue des chansons pop aussi percutantes fait l’effet d’un magasin de friandises dans lequel on ne peut s’empêcher de goûter l’un et l’autre bonbon, tout en sachant qu’il ne s’agit pas de grande gastronomie ». Comme tout le monde, j’avais ondulé du bassin sur The reflex ou Wild boys dans mes jeunes années, mais je n’avais jamais accordé aucun crédit à Duran Duran. Absolument aucun. Ma démarche en achetant Rio, leur deuxième album, était d’ailleurs de rigoler un bon coup de ces sales poseurs (c’est ainsi que je justifiai cet achat honteux auprès de mon épouse). Quelques petites perles comme The chauffeur, dont je ne soupçonnais même pas l’existence, m’incitèrent à pousser un peu plus loin la curiosité... Pour en arriver à reconnaître que Seven and the ragged tiger, leur album de 1983, est finalement une bonne plaque dans son genre. D’autant qu’à côté des hits comme The reflex et Union of the snake, j’eus le plaisir de découvrir encore l’un ou l’autre trésor caché (The seventh stranger, par exemple, qui justifierait presque l’achat de l’album à lui seul).

En continuant ma découverte approfondie de manière chronologique, après le dispensable live Arena, j’arrivai à Notorious, leur quatrième album, souvent présenté comme celui du début du déclin. Sorti en 1986, soit un an après le succès démentiel de A view to kill, le single qui servit de générique au James Bond du même nom (Dangereusement vôtre en français), Notorious fut le premier disque de Duran Duran à sortir sans le concours de deux de ses membres fondateurs. Après s’être quelque peu dispersés dans des side-projects (Arcadia, Power Station), les cinq play-boys londoniens n’avaient plus les mêmes envies ni les mêmes visées artistiques. Une extrême fatigue se faisait en outre ressentir après d’interminables tournées mondiales, et les éternels problèmes d’ego commençaient à devenir ingérables. Andy et Roger Taylor, respectivement guitariste et batteur, ont donc continué la route de leur côté laissant Simon Le Bon, Nick Rhodes et John Taylor poursuivre sans eux sous le nom de Duran Duran. Plutôt que de précipiter la fin du groupe, comme on aurait pu le craindre, ces départs eurent pour conséquence d’ouvrir de nouveaux horizons. Bien secondé par le producteur Nile Rodgers (le Timbaland de l’époque), le trio s’est adjoint les services d’une foule de musiciens de sessions ayant précédemment joué avec Roxy Music, David Bowie, Serge Gainsbourg et même Frank Zappa) pour se fendre ni plus ni moins de son meilleur album à ce jour. Mieux que ça : d’un des disques les plus essentiels des années 80. Sensuel, funky, dansant, bourré de refrains immédiatement mémorisables et doté d’une production capable de résister à l’érosion du temps.

Vous êtes sceptiques ? Je peux le comprendre, je l’étais aussi. Envoyez-vous donc sans tarder dans les esgourdes l’irrésistible Vertigo (Do the demolition), sans doute le meilleur morceau de l’album, et poursuivez, si le cœur vous en dit, par les ultra-sexys American science, Hold me, A matter of feeling, Skin trade (où l’on croit entendre Prince chanter sur une musique de Bowie), etc. Aussi surprenant que cela puisse paraître, chaque chanson de cet album est réussie et vaut le détour. C’est un très grand disque de pop qui ne mérite pas l’oubli dans lequel on l’a un peu trop vite plongé. Comme s’ils venaient de passer à l’âge adulte, Simon Le Bon, Nick Rhodes et John Taylor ont laissé tomber les aspects les plus commerciaux et clichés de leur musique pour atteindre la plus pure perfection pop.

Un mot aussi sur l’arrogance qui transpire de cet album. Car c’est bien là l’une des principales différences entre Duran Duran et certains de ses contemporains comme Depeche Mode et Cure : au lieu de s’apitoyer sur leur sort, les Duran Duran sont sûrs d’eux et affichent une assurance parfois à la limite du démesuré. La dépression, le spleen et les poses gothiques, ils ne connaissent pas. Ils préfèrent les rayons du soleil à l’obscurité de la nuit, eux. Ils boivent du champagne sur des yachts et sont perpétuellement entourés de nanas, toutes plus belles et glamours les unes que les autres (comme la top-modèle Christy Turlington, visible à l’arrière de la pochette), qui n’arrêtent pas de leur répéter à quel point ils sont beaux et talentueux (mais ça, ils le savent déjà). Notorious est, d’une certaine façon, le reflet de tout cela. De cette ambiance, du fric, de la coke en abondance et de la superficialité qu’on prête aux années 80. Avec un supplément d’âme. Pour moi, l’enchantement qu’il procure n’est pas loin de celui d’un Violator ou d’un Boys and girls. Ça vous en bouche un coin, ça, hein ?

(Jérome DELVAUX - PopRock.com).



TRACKLIST:



A1       Notorious     
A2       American Science 
A3       Skin Trade   
A4       A Matter Of Feeling
A5       Hold Me
        
B1       Vertigo (Do The Demolition)        
B2       So Misled     
B3       "Meet El Presidente"         
B4       Winter Marches On

B5       Proposition






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