jeudi 23 mars 2017

The Smiths - Meat Is Murder



THE SMITHS - MEAT IS MURDER
Rhino Records -  2564665878 - Vinyl Reissue Remastered (2012)



Attention cette chronique va parler d'amour, d'éducation, de musique... et de viande.

Car le bœuf, comme on nous le répète souvent, c'est le goût d'être ensemble, tout comme l'amour de la musique qui nous lie tous, peu importe notre éducation.

C'est dans cet état d'esprit que nous allons chroniquer maintenant un album sorti en 1985 (oui Marty ! En 1985 !). Meat Is Murder, un manifeste pour la différence autant que l'individualité, et une certaine idée du végétarisme (ou du végétalisme, il y a tellement de nuances et je ne connais pas le régime exact du Morrissey). Je n'aime pas trop utiliser le "je" dans les chroniques, mais pour celle-ci (comme peut être pour d'autres), cela me paraît inévitable. En effet, j'ai toujours ressenti une certaine culpabilité quand se termine "Meat Is Murder" (le titre final) : que ce soit manger un steak tartare chez les prout-prout de la Brasserie Lipp ou dans une bonne adresse bordelaise, ou contraint d'avaler un steak eco+ quand les fins (ou débuts) de mois sont difficiles (justement si j'ai mangé un steak tartare chez Lipp), j'aime la viande. Et j'aime The Smiths. Il m'est autant difficile d'en laisser un pour l'autre. Ne suis-je donc pas un vrai fan des Smiths ?

Que de questions ! Mais passons à la musique. Nous avons là un classique, évidemment. Rien que l'intro de "The Headmaster Ritual" montre que les anglais (en général, mais en particulier les Smiths) sont les maîtres de la mélodie pop, claire, évidente. Un français ou un américain pourra toujours essayer, ce ne sera la même chose (attention, il y a des talents partout). Bref, c'est un morceau qui démarre très fort et qui est par la suite emporté par les arpèges magnifiques du Dieu Johnny Marr, habillant légèrement malgré ses multiples couches, les textes durs de Morrissey. Et puis les deux autres, parlons-en des deux autres : Andy Rourke (basse) et Mike Joyce (batterie ; et non pas Mickey Rourke et Andy Joyce). Leur travail est exemplaire sur ce disque. Les lignes de basse sont précises autant que nerveuses, et les parties de batterie sont toujours justes. Dommage que le temps et les deux autres les aient effacés ces gars-là (je n'ai pas leur poster dans ma chambre non plus, mais l'efficacité des Smiths leur doit beaucoup). Ce premier morceau est une belle entrée avant le plat de résistance, où les parties et les morceaux les plus nobles sont découpés avec amour (imaginez votre boucher favori découper un bien beau morceau de charolais). Les Smiths accrochent sur leurs esses 10 morceaux tous indispensables et goûteux (sauf peut-être "How Soon Is Now ?", un peu trop copieux, trop long quoi...). Les quatre morceaux du début rentrent dans le lard comme un bovin énervé (la crise du début des années 80, le Thatchérisme, la musique de merde... pourquoi n'avons-nous pas eu un disque français digne de ça pendant les années Sarko ?), Morrissey s'en prend à l'éducation, à la politique, se révolte contre son propre désespoir en envoyant tout le monde paître ailleurs. Les textes ("What She Said", par exemple) montrent des tranches de vie dégoulinantes d'amertume et de pessimisme. Si Morrissey auparavant tentait de sublimer le réel, il est plus direct ici et est bien décidé à chasser le gras. "That Joke Isn't Funny Anymore" clôt de manière plus douce cette première face (dans le tempo seulement) mais on reste bel et bien là dans l'enclos d'une génération désenchantée (ça y est ma référence pourrie est placée).

La deuxième face débute par "How Soon Is Now ?", découvert par des hordes d'adolescentes grâce à la série Charmed et qui ne seront jamais allées plus loin ( ah, si, il y a bien eu une reprise du duo electro pop ado lesbien russe TATU, poduit par Trevor Horn !). Le texte peut être autant interprété comme une revendication homosexuelle de Morrissey qu'un hymne à tous les laissés pour compte de l'amour. Ce n'est que personnel mais c'est le seul morceau un peu too much du disque. "Nowhere Fast" remet les pendules à l'heure et fonce à l'allure d'un train qui défile trop vite pour les moutons et les bœufs qui broutent paisiblement dans la lande. Toujours mélodieux, désespéré et adolescent, un excellent morceau suivi par deux autres tout aussi majestueux et qui correspondent pour moi au temps fort du disque. Sur "Well I Wonder", on imagine une cité portuaire anglaise battue par la pluie et minée par la grisaille. Les notes qui finissent ce titre sont magiques, une des plus belles expressions de la mélancolie. "Barbarism Begins At Home" est une tuerie, mon morceau préféré des Smiths et au-delà, avec son rythme disco, ses guitares hâchées, ses motifs ultra mélodiques et cette voix de Morrissey qui part complètement en roue libre, avec un texte sur l'éducation (à la maison cette fois-ci, tandis que Morrissey s'attaquait à l'école dans le morceau d'ouverture) qui ferait réfléchir toute une génération de parents et de professeurs.

Arrive enfin le morceau polémique pour moi, "Meat Is Murder". Quand on est "Meat Is Butcher" ou "Meat Is Burger", ça devient compliqué. Pourtant, une partie de moi souhaiterait être végétarienne (je ne vais pas raconter ma vie car tout le monde s'en bat les steaks)... "This beautiful creature must die" se plaint la reine de Manchester. On imagine facilement un bœuf avec des yeux mignons implorant pitié. La culpabilité vous ronge (en tous cas le texte y aide). Les bruits d'abattoir renforcent cette impression que la vache qui rit ne va plus le faire très longtemps... Les chœurs trafiqués augmentent cette sensation de malaise. OK, mais quand je me retrouve face à un steak de soja, ou un truc supposé être bon pour le corps mais qui ne l'est pas quand vous le mangez, mon désespoir est le même que décrit dans ce morceau. (Ne vous inquiétez pas, je mange des fruits et des légumes aussi, et la viande ne constitue pas ma seule nourriture).

Au final, Morrissey tourne le dos (tournedos, ah, ah, ah...) à l'étiquette bien pensante anglaise, fait la nique aux préjugés, et les Smiths nous délivrent un album essentiel, tant de son époque que dans le rock indie en général. Nerveux, fort et sublime, un indispensable. (Machete83 - Xsilence.net).



TRACKLIST:


A1       The Headmaster Ritual     
A2       Rusholme Ruffians           
A3       I Want The One I Can't Have       
A4       What She Said       
A5       That Joke Isn't Funny Anymore  
B1       Nowhere Fast         
B2       Well I Wonder         
B3       Barbarism Begins At Home         
B4       Meat Is Murder






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